Les nouveautés apportées par la loi relative aux mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l’Union européenne (BDO)

Ce 1er février 2019, le Conseil des Ministres a approuvé l’avant-projet de Loi qui vise à transposer en droit belge la directive 2017/1852 du Conseil du 10 octobre 2017 concernant les mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l’Union européenne. Cette Directive découle également des recommandations du plan d’action 14 du projet « Base Erosion and Profit Shifting » (BEPS) de l’OCDE, même si l’adoption d’un mécanisme d’arbitrage obligatoire et contraignant va plus loin que le plan d’action 14 du projet BEPS . Cet avant-projet de Loi est transmis pour avis au Conseil d’Etat et sera déposé prochainement à la Chambre.

Ce texte vise à instaurer un mécanisme efficace de règlement des différends relatifs à une différence d’interprétation ou d’application des conventions préventives de double imposition.

D’une obligation de moyens à une obligation de résultats

Pourquoi une nouvelle législation est-elle nécessaire ?

Les conventions préventives de double imposition ne contiennent pas de disposition imposant aux États signataires d’éliminer les situations de double imposition. Pour pallier ce manque, la convention européenne d’arbitrage a été introduite le 23 juillet 1990 avec pour objectif de contraindre les États à trouver un accord pour éliminer les doubles impositions, mais uniquement en cas d’ajustement prix de transfert ou dans le cadre de l’attribution de profit à un établissement stable. Le texte a créé une procédure en deux phases : une procédure amiable suivie d’une phase d’arbitrage en cas d’échec de la première phase. En dehors du champ d’application de cette convention d’arbitrage, la procédure amiable constitue dès lors une obligation de moyens et non de résultats.

Quelles innovations la nouvelle directive apporte-t-elle ?

La nouvelle législation instaure une procédure en trois phases successives et se distingue de la procédure amiable par l’effet contraignant de sa dernière phase. En outre, le mécanisme d’arbitrage était auparavant réservé aux différends en matière de prix de transfert ou découlant de l’attribution de profit à un établissement stable ; au travers de la nouvelle directive, il sera étendu aux autres types de double imposition découlant de l’application des conventions préventives de double imposition, mais aussi aux différends qui découlent d’une violation d’un article d’une convention préventive de double imposition.

Phase I : Réclamation ou phase d’objection

À partir de la notification de l’acte à la source du différend, le contribuable concerné dispose d’un délai de 3 ans pour introduire une réclamation auprès de l’autorité belge compétente et auprès des autres États membres impliqués dans le différend. La réclamation doit contenir certaines mentions et pièces justificatives déterminées par la loi sous peine d’irrecevabilité.

L’autorité compétente dispose ensuite de 6 mois pour se prononcer sur la recevabilité de la réclamation, qui sera présumée acceptée en cas d’absence de réponse dans le délai précité. La procédure entre alors dans sa seconde phase : le règlement à l’amiable.

Phase II : Procédure amiable

Les États concernés ont l’obligation de se concerter afin de trouver une solution amiable dans un délai de 2 ans (délai prolongeable une fois pour une durée d’un an au plus sur demande justifiée aux autres États membres parties au différend). En cas d’accord, la décision est notifiée au contribuable, qui peut l’accepter ou la refuser. L’acceptation emporte pour le requérant la nécessité de renoncer à ses autres recours et à mettre fin à ceux qu’il aurait éventuellement déjà introduits. En cas de désaccord, on entre dans la troisième phase : l’arbitrage.

Phase III : Arbitrage

Les États membres ont la charge de constituer une commission consultative composée d’un président et d’une à deux personnalité(s) indépendante(s) pour chacun des États ou une commission de règlement alternatif des différends (structure potentiellement permanente).

La commission consultative rend son avis aux autorités compétentes dans un délai de 6 mois (prolongeable une fois pour une durée de 3 mois), suite à quoi les États peuvent décider conjointement de prendre une décision qui s’écarte de l’avis, ou de suivre l’avis, qui devient alors contraignant. Lorsque les États décident de mettre en place une commission de règlement alternatif des différends, ils peuvent décider de s’engagent à respecter l’avis de cette commission, qui constitue dès lors un avis contraignant.

Procédure administrative simplifiée pour les particuliers et les PME

La loi prévoit une procédure administrative simplifiée pour les particuliers ou les PME ayant recours à la procédure susvisée.

Champ d’application

La loi de transposition s’appliquera à un domaine plus large que la convention européenne d’arbitrage en ce qu’elle n’est pas limitée aux différends relatifs aux prix de transfert ou d’attribution de profit à un établissement stable.

Entrée en vigueur

La loi devrait entrer en vigueur le 1er juillet 2019 et s’appliquera aux réclamations portées devant les autorités compétentes après cette date à condition qu’elles concernent des revenus imputables à une période imposable débutant à partir du 1er janvier 2018.

Impact sur le contribuable

À l’avenir, les personnes et entités concernées par un différend fiscal engendrant une double imposition pourront plus facilement faire valoir leurs droits et éviter qu’une charge d’impôts disproportionnée ne leur soit imposée grâce au caractère contraignant de la phase d’arbitrage. En renforçant la sécurité juridique et la transparence des procédures, cette nouvelle législation contribue à améliorer l’environnement fiscal et économique et favoriser les investissements au sein de l’Union.

La transposition de la directive au sein de tous les États membres de l’Union européenne renforce également l’uniformisation du cadre légal dans lequel évoluent les entreprises et minimise les risques et aléas découlant des divergences de procédures.

Conclusion

On ne peut que se réjouir qu’une telle directive soit transposée en droit belge et garantisse dans un plus grand nombre de cas une élimination des cas de double imposition et un assouplissement d’une telle procédure pour la rendre plus accessible aux particuliers et aux PME.

On pourrait également espérer que de manière bilatérale, la Belgique tente de mettre en place des commissions permanentes de règlement alternatif des différends avec les pays frontaliers (Pays-Bas, Luxembourg, Allemagne et France). De telles commissions permanentes permettraient sans conteste de simplifier et surtout d’accélérer les règlements des différends. En effet, ces États frontaliers constituent souvent les premières destinations transfrontalières de nos PME qui s’exportent.

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